Une salle de cours des années 60 est configurée avec une soixantaine d'étudiants devant des Autotutor Mark II.

Technologie des techniques éducatives

Les techniques éducatives sont cassées, réparons-les!

Mutualité agricole – Prudence sur la route


Ce film fixe est un film de prévention de la Mutualité Agricole. Il décrit les règles de circulation à respecter en milieu rural.

Après une rapide mise en situation, différentes catégories d’usagers sont présentées: Piétons, cycliste et cyclomotoristes, et, enfin les troupeaux et les véhicules agricoles, nous sommes bien dans les années 1950/1960.

Les règles de circulation qui s’appliquent à ces catégories d’usager sont décrites. Le message est plutôt moralisateur et les automobilistes ne sont pas présents dans cette présentation dont le public est clairement les enfants. Certaines diapositives s’adressent effectivement à eux lorsqu’ils regardent le film. Par exemple, dans la diapositive 53, le message indique « Les plus âgés d’entre vous aident leurs parents dans les travaux des champs. C’est parfait ! ».

En dehors de l’aspect historique amusant -l’écolier rural des années 1950 n’a visiblement que peu de choses en commun avec celui des années 2020- ce diaporama possède une particularité intéressante: la recherche d’interactions.

La volonté de mettre en place des interactions est régulière. Je distingue la question des interactions (entre humains, mais médiatisé par la machine) de l’interactivité (entre l’humain et la machine rétroactive). Ce diaporama est donc élaboré de façon à susciter des échanges entre les élèves et le maître. Pour comparer, il est possible de regarder les leçons de choses automobiles de Citroën, qui sont clairement basées sur des modalités ostensives (on donne à voir ce qui parait devoir être connu).

Les diapositives 4 à 7 appellent les élèves à décrire la scène qui est projetée. On y voit différents usagers partageant la voie publique. Ensuite, les diapositives 9 et 11 posent des questions plus précises sur les catégories d’usagers et une question prospective devant aboutir sur la nécessité de règles communes. Dans la partie sur les piétons, les vignettes 16, 19 sont l’occasion d’un nouvel exercice d’observation. Dans la partie sur les deux roues, ce sont les diapositives 34, 36, 39 et 40 interpellent aussi le public. Dans la conduite des troupeaux, c’est l’image 54 qui demande aux élèves de relever la faute commise par le paysan.

Le film se termine par un intéressant « jeu du gendarme ». Les diapositives 58 à 63 comportent systématiquement deux infractions que les élèves sont invités à relever. On imagine sans peine l’enseignant favoriser l’échange oral, faire sortir l’ardoise ou le cahier de brouillon pour ce test (de compréhension ?) final.

La conception de ce film rappelle qu’un diaporama peut être vivant, et n’est pas uniquement un outil de présentation. Sans doute, l’effet PowerPoint et le pullulement des vidéoprojecteurs nous ont fait oublier que la projection avait un caractère solennel (fermeture des rideaux, branchement des prises et rallonge, installation du support de projecteur au milieu de la classe en poussant parfois des tables, etc.). La plongée dans le noir et la passivité aidant, les films trop ostensifs plongeaient quasi mécaniquement l’élève en léthargie, si peu que la projection ait lieu au moment de la sieste.

La complexité d’installation pouvait donc être l’occasion d’une activité élaborée autour de cette forme de médiatisation complexe à mettre en œuvre. C’est sans doute ce qu’ont tenté de faire les concepteurs de ce film qui montre que l’interaction est un problème d’anticipation plus que d’outil.

Les enseignants qui utilisent les sondages téléphoniques sous Kahoot ou Wooclap pour rendre leur cours « vivant’ ne semblent par réellement rechercher autre chose que ce que ce diaporama propose: maintenir l’attention de l’élève en lui proposant d’interagir avec l’enseignant au travers du contenu projeté. Le changement d’échelle permis par le téléphone constitue toutefois une différence majeure est s’inscrit (sans doute) dans la relation ambiguë des techniques numériques avec l’industrialisation de l’enseignement. Mais ce sera sans doute l’objet d’un billet ultérieur.

Bien entendu, vous avez le droit de ne pas être d’accord.